Par Jean-Paul Brouchon
Oui, posons-nous la question. Et si c’était vraiment le renouveau du cyclisme français ? A Andorre-Arcalis, là ou Ian Ullrich a construit sa victoire dans le Tour en 1997, un jeune français, inconnu de tous, professionnel depuis cette année seulement, Brice Feillu l’emporte devant un autre français Christophe Kern, tout aussi inconnu, tandis que l’italien Rinaldo Nocentini, peu connu du grand public mais incorporé dans une formation française, AG 2R, endosse le maillot jaune. Quant aux grosses montures du peloton, empêtrées dans leurs luttes intestines et leur tactique de bas étage, elles laissent passer une splendide occasion de se montrer, sauf Contador qui maintenant devance Lance Armstrong au classement général.
Dès le départ ...
de cette plus longue étape du Tour, avec ses 224 kilomètres, une échappée à 9 coureurs se développe avec quatre français : Feillu, Kern, Pineau et Riblon. Jamais, cette offensive ne sera rejointe malgré un long travail de la totalité de la formation Astana qui continue à jouer le rôle de patron de l’épreuve.
Avec culot, Feillu dont le frère a déjà porté le maillot jaune, attaque au plus fort de la pente à 5 kilomètres de l’arrivée pour ne plus être rejoint. Kern s’offre, quant à lui, une bien belle deuxième place.
Voici donc le cyclisme français nanti de deux victoires d’étape après celle de Voeckler. Un double cocorico s’impose.
On avait dit, avant le départ du Tour, que les coureurs nationaux ne pouvaient espérer que des victoires d’étapes, étant surclassés dans toutes les grandes épreuves internationales. C’est vrai et l’on ne peut que regretter que ces grandes épreuves, hormis le Tour, n’aient que peu d’intérêt pour eux. Ils devaient jouer les baroudeurs, disait-on, et Bernard Hinault le premier abondait en ce sens.
Et voilà le résultat au terme de la première grande étape de haute montagne dans le massif pyrénéen.
Brice Feillu, encore amateur l’an dernier au C.C.Nogent-sur-Oise, un club de la région parisienne, au palmarès presque vierge (deux victoires au sommet du Ballon d’Alsace chez les amateurs et aucune victoire chez les professionnels), est le héros de la journée. Il a osé se lancer dans une folle aventure. Il a su la maîtriser au point d’être actuellement le meilleur grimpeur du Tour. Il n’aura 24 ans que le 26 juillet prochain, mais possède déjà une grande maturité physique. Il ne fait pas partie d’une grande équipe puisque sa formation Agritubel n’est que continentale et n’est pas acceptée dans les grandes épreuves. Elle fut, par exemple, récusée pour la deuxième année consécutive au départ du récent Critérium du Dauphiné Libéré. Faute de moyens financiers, son équipe va disparaître à la fin de la saison. On ne se fait pas de souci pour Brice Feillu qui va vite retrouver un employeur, mais le cyclisme national va peut-être perdre un encadrement de qualité, car la victoire de Feillu est aussi celle de son entourage sportif. On ne gagne jamais seul dans le cyclisme.
Deuxième de l’étape, Christophe Kern est lui aussi un inconnu du grand public. Issu des rangs juniors, il a eu beaucoup de mal à s’adapter au rythme professionnel comme tous ceux qui brillent dès leurs débuts. Vainqueur de Liège-Bastogne-Liège espoirs, il n’a jamais concrétisé sa valeur, sauf depuis son appartenance dans la formation Cofidis ou il a trouvé un encadrement apte à le remettre sur rails. Cette deuxième place est aussi celle de son encadrement.
Le nouveau maillot jaune, l’italien Rinaldo Nocentini appartient à une formation française, AG 2R. Il y était perçu comme un coureur d’épreuves ne dépassant pas huit jours jusqu’à ce début de saison ou son directeur sportif, Vincent Lavenu, lui a fait faire le grand saut. Nocentini, coureur affable, s’est parfaitement adapté à ce nouveau statut. Il est mûr pour des tâches plus ardues.
Et les grosses pointures du peloton ? Elles ont laissé les Astana jouer les meneurs. Elles avaient tout misé sur l’ascension finale. Elles ont échoué puisque le seul bénéficiaire de la journée, une journée de dupes pour elles, est Alberto Contador qui se replace deux secondes devant Armstrong au classement général.
Sur son site Twitter, Armstrong avait écrit il y a deux jours qu’il voulait faire du Tour un grand spectacle. Assurément, il faudra s’y prendre autrement. Jouer les patrons, c’est bien, mais à condition que les résultats suivent. Ce soir, en Andorre, Astana occupe quatre places dans les six premiers du général (Contador 2ème, Armstrong 3ème, Leipheimer 4ème et Klöden 6ème), mais cela ne lève en aucun cas le sentiment d’ambiguïté qui entoure cette formation. Les vedettes se surveillent, n’osent pas s’attaquer franchement, se complaisent dans un attentisme néfaste. Tant mieux pour les coureurs français qui savent prendre leurs responsabilités et enfin redonner du lustre à un cyclisme national mal en point, mais qui, peu à peu, sort de l’ornière. Au classement UCI, la France est actuellement 14ème nation mondiale et ne peut présenter que six coureurs au prochain Championnat du monde. Il est temps que des Feillu, des Kern viennent rejoindre les Voeckler pour présenter du cyclisme national un visage plus proche de la réalité.
Jean-Paul Brouchon
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