La semaine dernière un débat fort riche en
suggestions s’est installé sur le blog de Yahoo!. J’avais promis de répondre
collectivement au cours de l’étape de repos du Tour. Voici donc mes réponses.
L’organisateur du Tour est un entrepreneur de
spectacle. Il doit concevoir un Tour qui, comme un roman policier, ne délivre
son verdict qu’au plus près de l’arrivée afin de ménager le suspense.
Une fois le lieu de départ connu ainsi que celui d’arrivée,
l’organisateur doit obéir à certaines règles édictées par l’Union Cycliste
Internationale.
Pas plus de trois semaines de course
Une distance totale voisine des 3500 kilomètres
Deux jours de repos ...
Pas d’étape de plus de 250 km
Une seule longue étape ( 228 km cette année pour
Montargis-Gueugnon )
Pas plus de cinq étapes de plus de 200 km ( cette année
4 étapes ont dépassé les 200 km )
Ensuite, l’organisateur « remplit les cases »
en tenant compte de l’attrait des villes qui ont fait acte de candidature et le
critère sportif qui reste primordial.
Depuis deux ans et l’an prochain encore, le départ
est donné au bord de la mer ( Monaco, Rotterdam et l’an prochain la Vendée au
passage du Gois ). La mer est génératrice d’événements avec le vent et la
possibilité de bordures. Elle donne un attrait considérable pour les premiers
jours de course.
Ensuite, il faut placer les étapes contre la montre.
Outre le prologue ou une première étape d’un quinzaine de kilomètres, il faut
choisir comme cette année entre un long clm en fin de parcours ( la veille de l’arrivée
) et deux autres clm ( l’un au cours de la première semaine et l’autre en fin d’épreuve
). Mais cette solution a un inconvénient. Le clm est une discipline du
cyclisme. Si l’on met dans le parcours deux contre la montre, ils seront de
distance moindre qu’un seul. Cette année par exemple, il n’y a qu’un seul clm
mais il est long de 52 km et permet donc une exploitation totale des qualités
du coureur.
Autre problème : le clm par équipes. Il ne peut
se situer ailleurs que dans les premiers jours de course au moment ou les équipes
sont encore au complet. La difficulté est de trouver un parcours adéquat avec
des routes larges et rectilignes sans virages trop prononcés. Cette épreuve est
hautement spectaculaire et correspond à la définition du cyclisme ( un sport
individuel qui se pratique en équipes ). Son seul inconvénient est de bloquer
le classement général par les coureurs de la première équipe et de contrarier
ensuite les offensives.
Il faut penser aussi aux étapes de plaine. Le Tour
est pour le coureur le plus complet mais le sprint est aussi une discipline du
cyclisme. Il doit donc y avoir des étapes de plaine à priori réservées aux
rapides routiers-sprinters. Pas seulement pour la lutte du classement annexe
que constitue le maillot vert mais parce qu’un sprint massif est la résultante
d’un travail d’équipe terminé par la victoire du plus rapide. Les « trains »
mis en place par les équipes de sprinters sont un véritable régal pour l’amateur
de cyclisme.
Enfin, il y a la montagne. En France, il y a deux grands
massifs les Alpes et les Pyrénées. Les Alpes se distinguent par la longueur des
vallées, les Pyrénées par la succession de cols avec peu de vallées entre les
ascensions. En règle générale, une année on met l’accent sur un massif (cette
année ce sont les Pyrénées pour le Centenaire du passage du Tour dans ce
massif) et l’année suivante l’autre massif aura la prépondérance.
Avec la montagne, plusieurs solutions sont offertes
avec les arrivées en altitude ou des étapes comportant plusieurs cols mais
cette solution est de moins en moins pratiquée car lorsqu’il y a quatre ou cinq
cols au cours de la même journée, les premiers sont bien souvent franchis en
groupe pour ne pas dire escamotés.
Il y a bien sûr les massifs intermédiaires :
Jura, Vosges, Massif Central et Cévennes. S’ils sont utilisés c’est pour une
approche progressive de la montagne pour les coureurs et non pas pour provoquer
une grande sélection.
Le Tour de France est riche d’une fabuleuse histoire.
Il se doit chaque année de célébrer l’un de ses officiants ou un événement
marquant de son histoire. Cette année, c’est le 100° anniversaire du Tour dans
les Pyrénées.
Enfin, le Tour bien que dirigé par une société privée
appartient au patrimoine national. Il se doit en conséquence de visiter au moins
une année sur deux ou trois toutes les provinces françaises. Actuellement, tous
les départements français ont reçu la visite du Tour sauf la Corse ( je ne
compte pas les départements des DOM TOM qui représentent un cas à part ). Mais
il y actuellement des études de faisabilité pour un Grand Départ en Corse
vraisemblablement en 2013 pour la centième édition du Tour.
Et surtout, il ne faut pas oublier la télévision. Le
Tour est vu par 190 pays au monde. C’est la vitrine de la France. D’où le choix
de parcours très pittoresques. Le Tour est une non seulement une épreuve
sportive mais encore une leçon de géographie.
Voila donc en gros les impératifs qui sont ceux de l’organisateur.
Le Tour 2011 est déjà dans les cartons. Le parcours ne sera dévoilé que fin octobre
mais rien ne vous empêche de vous livrer à un petit jeu très amusant et
compliqué compte tenu des impératifs de la course. Faîtes vous-même votre
propre parcours en sachant que l’an prochain le Tour partira de Vendée.
1° jour : prologue
2° jour course en ligne du Gois au sommet du Mont des
Alouettes à côté des Herbiers
3° jour : contre la montre par équipes aux
Essarts sur une distance de 23 km
4° jour : direction la Normandie et ensuite la
Bretagne ou l’inverse.
Bon amusement. Rien ne vaut de se mettre dans la peau
d’un organisateur pour mieux apprécier les difficultés à construire un Tour de
France.
Il manque un point, sans doute un peu tabou, c'est celui des "hooligans" dans les Pyrénées. Par le passé, les organisateurs ont connus des étapes difficiles avec des supporters qui avaient trop bu.
ASO en tient compte lors du choix des dates pour traverser les Pyrénées (éviter les jours fériés, etc).
Rédigé par : Martin L'Ardoisier | 22 juillet 2010 à 11:04
Très juste explication de la construction du TDF, et excellente suggestion d'exercice d'organisateur (virtuel).
Cependant, j'ai un point que je ne partage pas: le clm par équipes. Je souhaite même qu'il disparaisse totalement. Je n'arrive pas à y voir le côté "spectaculaire" tant vanté ! Cette étape, quoi qu'on en dise, fausse le TDF. C'est tellement vrai que l'organisation, soit fait des parcours "courts", soit "plafonnent" les écarts à 3 mn ? 5 mn ? Tout cela ne veut rien dire sportivement, sans compter la spécificité d'organisation d'une telle étape.
Rédigé par : BH78 | 22 juillet 2010 à 20:55