Le juge Thomas Cassuto du tribunal de Nanterre a lancé le 28 janvier dernier un mandat d’arrêt international à l’encontre de Floyd Landis et de son médecin et entraîneur Amie Baker pour « recel » et « atteinte à un système de traitement automatisé de données ».
Pour
bien comprendre le cheminement de cette affaire et savoir de quel bois se
chauffe Landis, il n’est pas inutile de rafraîchir les mémoires.
Floyd
Landis est né en 1975 de parents d’origine suisse membres d’une communauté
mennonite de Pensylvanie. Bravant les préceptes de cette communauté et en s’entraînant
la nuit, il devient en 1993 champion junior des Etats-Unis de VTT. Il intègre
la formation professionnelle Mercury en 1999 et termine à la troisième place du
Tour de l’Avenir. Il disparaît alors du peloton professionnel et y fait une réapparition
en 2002 aux côtés de Lance Armstrong dans l’équipe U.S.Postal. En 2005, il intègre
Phonak et obtient ses premiers grands résultats au sein de cette formation l’année
suivante en s’imposant dans Paris-Nice, le Tour de Californie et le Tour de Géorgie.
Il est alors temps pour lui de se préparer à disputer le Tour de France qui
sera on va le lire le plus noir de l’histoire.
Le 23 mai de cette année 2006, éclate à l’instigation de la division anti-drogue de la Guardia Civile espagnole l’affaire Puerto ...
Les interpellations et les gardes à vue dont celle de Manolo
Saïz, manager de la formation Liberty Seguros se multiplient. Dans deux
appartements de Madrid, la police a trouvé des poches de sang parfaitement
identifiables en grande quantité, des seringues, des produits interdits, de l’argent
liquide, … etc …Liberty Seguros se désengage aussitôt du cyclisme. L’équipe
prend le nom de Wûrtz, le co-sponsor et participe en tant que telle au Critérium
du Dauphiné Libéré. Alexandre Vinokourov qui veut absolument disputer le Tour
pour le gagner crée à la hâte, grâce à ses amitiés avec les dirigeants du
Kazakstan, la formation Astana-Wûrtz.
La
police espagnole lâche ses premières informations. Elles sont dramatiquement réelles.
Les organisateurs du Tour retirent à Astana-Wûrtz et à la Communauté de Valence
leur invitation à participer au Tour. Le Tribunal arbitral du sport, déjuge l’organisation
du Tour et Astana-Wûrtz comme 20 autres équipes se rend à Strasbourg pour
prendre le départ du Tour.
Auparavant,
ont lieu les championnats nationaux. Le journal El Païs publie le jour du
championnat espagnol une liste de 53 coureurs impliqués dans l’affaire Puerto
dont 15 de la formation dirigée par Manolo Saïz. Ulcérés, les coureurs ne
disputent pas leur championnat.
Le
climat est lourd. Strasbourg fait contre mauvaise fortune bon cœur et accueille
le Tour avec faste. Tous les coureurs sont présents pour la présentation des équipes
devant une foule considérable mais le lendemain, vendredi 30 juin, veille du
prologue, en milieu d’après-midi Jean-Marie Leblanc et Christian Prudhomme, sur
la foi de documents de la police espagnole donnent la liste des coureurs ne
pouvant participer au Tour en raison de leur application dans l’affaire Puerto.
Cette liste comprend neuf noms : Basso ( CSC ), Ullrich et Sevilla ( T
Mobile ), Mancebo ( AG2R) plus cinq coureurs de l’ex-formation Liberty Seguros
devenue Astana-Würtz. Il s’agit de Paulinho, Nozal, Davis, Contador et Beloki.
Le
lendemain, 176 coureurs représentant 20 équipes disputent le prologue. Astana-Wûrtz
qui ne compte plus que quatre coureurs n’est pas autorisée à prendre le départ
du Tour. Vinokourov a perdu le Tour sans le disputer.
Le
Tour démarre. Le plus dur est à venir. Landis commence à faire parler de lui en
terminant 2° de l’étape contre la montre de Saint-Grégoire le le 8 juillet.
Cinq jours plus tard, le 13 juillet, il est maillot jaune après l’étape du
Pla-de-Beret remporté par Menchov. Deux jours plus tard, le 15, c’est l’étape Béziers-Montélimar.
Une échappée-fleuve se dessine. Landis et ses équipiers laissent faire. Ils
passent la ligne d’arrivée avec 29.57 de retard sur le vainqueur de l’étape
Jens Voigt. L’espagnol Perreiro qui le matin était pointé à une demi-heure de
Landis au classement général devient maillot jaune.
Trois
jours plus tard, à l’Alpe d’Huez Landis récipère son bien mais le perd le
lendemain sur la route de La Toussuire à l’issue d’une sévère défaillance. Ce
jour-là, Landis concède 10 minutes au vainqueur de l’étape Rasmussen. Pereiro
est à nouveau maillot jaune. Et ce n’est pas fini.
Le
lendemain, c’est Saint-Jean-de-Maurienne-Morzine. Exsangue la veille, Landis
retrouve des forces. Il gagne l’étape en solitaire avec près de 6 minutes d’avance
sur son suivant immédiat Carlos Sastre. Ce faisant Landis se replace au général
et ne fait qu’une bouchée de Pereiro lors de l’ultime contre la montre pour
remporter le Tour.
Nous
sommes le dimanche 23 juillet. Landis revêt sur les Champs-Elysées le dernier
maillot jaune du Tour entouré de sa femme Ambre et de la fille de celle-ci. Le mercredi 26, Landis doit se rendre en
Hollande pour le premier critérium de sa tournée. Il ne s’y rend pas en donnant
un prétexte futile. Le 27
.on
apprend qu’un coureur du Tour et non des moindres est positif. Phonak confirme
l’information et annonce le licenciement de Landis. Ce dernier au cours d’une
conférence de presse tenue à Madrid en compagnie de son avocat José-Maria
Buxeda ( le même que celui de Roberto Heras ) jure ses grands dieux qu’il n’est
pas dopé, qu’à La Toussuire pour effacer sa déeception il a bu du whisky et des
bières. La contre-expertise confirme l’expertise. Avec un taux de testostérone
onze fois supérieur à la limite autorisée, Landis est déchu de sa victoire et
condamné à deux ans de suspension.
Dégoûté
du cyclisme professionnel, Andy Rhijs, patron de Phonak, dissout son équipe sur
le champ..
Landis
utilise alors tous les moyens même les plus frauduleux pour faire valoir ce qu’il
croit être sa bonne foi. Il dépense des sommes considérables en frais d’avocats,
n’hésite pas à faire la quête lors de courses aux Etats-Unis, crée une
fondation destinée à lutter contre l’ostéo-arthrose qui lui rapporte 500 000
dollars, menace Greg LeMond qui s’apprête à témoigner contre lui et surtout
tente fausser le système informatique du laboratoire de l’AFLD qui a effectué
les analyses concluant à sa tricherie.
C’est
pour cette dernière raison que le juge du parquet de Nanterre a délivré un
mandat d’arrêt international ainsi qu’à son médecin et manager.
L’an
dernier, sa suspension purgée, Landis a recouru au sein de la formation OUCH.
Il est en pourparlers avec une équipe encore plus petite Rock Racing.
Jean-Paul
Je ne connais pas Floyd Landis et, dès lors, je n’ai rien ni pour ni contre lui.
Au moment de l’annonce de son test positif, j’ai pensé : « Encore un tricheur pris à son propre piège ».
J’ai malgré tout acheté et lu son livre "Positively False" lors de sa parution en 2007. La deuxième partie, celle qui concerne plus précisément l’affaire du contrôle positif, m’a intéressé. Plus, certains des arguments développés m’ont troublé et j’ai voulu en savoir davantage. J’ai donc téléchargé (en toute légalité) la "Wiki Defense" (411 pages pour la 2e version) rédigée par son avocat Arnie Baker. De nombreuses erreurs de procédures du laboratoire français de dépistage du dopage (je n’ai évidemment rien, absolument rien contre ce laboratoire, que je ne connais pas, ni contre son personnel, faut-il le dire ?) y sont pointées du doigt (liste des erreurs en Annexe E, pages 304-305). On y apprend notamment que, contrairement au code de procédures prévoyant que l’échantillon A et l’échantillon B soient analysés par deux personnes différentes, cela n’a pas été le cas pour les deux échantillons de Landis (déposition de la technicienne de laboratoire, page 145), ce qu’a d’ailleurs reconnu le laboratoire (à cause d’une surcharge de travail). On y apprend également que les tests de linéarité de l’appareil utilisé pour les analyses, lesquels doivent être mensuels, n’ont pas été effectués en août, au moment où l’échantillon B était testé (page 228). On y apprend aussi (page 89) que l’appareil (IsoPrime 2) utilisé pour l’analyse de Landis était en attente d’agrément du COFRAC (Comité français d’accréditation) et qu’il a été utilisé en dehors des spécifications techniques du fabricant (pages 225-226).
Page 77, on apprend par ailleurs que sur 955 échantillons testés en 2005 pour l’Agence mondiale antidopage (AMA) avec un ratio testostérone/épitestostérone compris entre 4 et 6 (4 étant la norme max. admissible ; au-delà, il y a des soupçons de testostérone exogène), 3 avaient été effectivement déclarés positifs. Autrement dit, 952 étaient négatifs (l’échantillon A de Landis est à 4,9 et l’échantillon B à 5,1).
Comme le fait remarquer son avocat : il existe plusieurs manières d’obtenir une réponse fausse et ce n’est pas parce qu’on obtient une réponse fausse à deux reprises qu’elle devient vraie…
Sur le plan plus précisément sportif, on apprend que la puissance moyenne enregistrée par le PowerTap de Landis lors de la 17e étape indiquait 281 watts, puissance qu’il avait auparavant fréquemment atteinte et légèrement dépassée lors du Tour de France de l’année précédente (12 juillet 2005: 282 watts ; 13 juillet : 285 watts), du Tour de Catalogne (21/05/2005 : 291 watts), Paris-Nice 2005 (9 mars : 302 watts et 12 mars : 305 watts).
Il existe effectivement de nombreuses zones d’ombre, du côté de Landis comme de l’autre.
Certes, le piratage qui est reproché à Landis et à son avocat Baker et fait aujourd’hui l’objet du mandat d’arrêt, s’il est avéré, est interdit et répréhensible.
Pour le reste, à la lecture de la "Wiki Defense", j’ai le sentiment que tout est loin d’être aussi simple… Que Landis ait pris de la testostérone (par patch ou de toute autre manière) est une chose. Que les procédures réglementaires n’aient pas été correctement respectées lors des analyses des échantillons concernés en est une autre. Personnellement, je suis tout à fait prêt à admettre avoir roulé un peu trop vite sur l’autoroute si un radar me chronomètre à 135 km/h. Si j’apprends que ce même radar n’a pas été correctement paramétré, qu’il fonctionne avec un logiciel vétuste et que sa mise en service est entachée de plusieurs dysfonctionnements, je vais avoir des doutes…
Rédigé par : Etape 17 | 18 février 2010 à 13:46
Je partage assez l'avis ci-dessus. Beaucoup d'éléments sont effet troublants. Car enfin, croyez-vous quelqu'un coupable se ruiner pour se défendre ! Ca mérite réflexion.
Quant au mandat d'arrêt international, quand même, ce n'est pas un criminel tout de même ! Ne peut-on y voir là l'indice d'une volonté (haineuse ?) de salir durement le cyclisme de la part de certains juges ? N'était-ce pas à Nanterre que la signature de Cédric Vasseur fut falsifiée lors d'une audition ?
Rédigé par : BH78 | 18 février 2010 à 21:36
Rock Racing est une petite équipe, mais une équipe sacrément médiatisée.
Rédigé par : Mart1 du blog de l'Ardoisier | 10 mars 2010 à 09:05