Par Jean-Paul Brouchon
Décidément rien ne change dans le cyclisme professionnel depuis une décennie. Aux abords du Tour de France le problème du dopage revient régulièrement inonder les colonnes des journaux et alimenter les chroniques des radios et des télévisions.
Le russe Denis Menchov n’avait pas encore gagné le Tour d’Italie que déjà certains évoquaient son éventuelle convocation devant la justice autrichienne pour un complément d’information en rapport avec les pratiques de sa formation, la hollandaise Rabobank.
Voici maintenant l’autrichien Bernard Kohl, troisième du Tour l’an dernier, et vainqueur du Grand Prix de la montagne, qui dans les colonnes de L'Equipe de ce jour – mardi 9 juin – raconte avec force détails sa méthode pour se doper.
Il n’est pas inutile de souligner que Kohl a été déchu ...
des avantages acquis sur la route du Tour et qu’il a annoncé le 25 mai dernier qu’il abandonnait le sport professionnel.
Kohl commence jeune. A 19 ans (il en a actuellement 23). Kohl ne dit pas que les victoires n’accompagnent pas obligatoirement le dopage puisque son palmarès est bien maigrelet lors de ses débuts professionnels. Zéro victoire en 2002, idem en 2003 et 2004 dans l’équipe 3 de Rabobank, une modeste 111ème place à la Vuelta en 2005 alors qu’il court chez T-Mobile. En 2006, il est champion d’Autriche et troisième du Critérium du Dauphiné Libéré. Non retenu pour le Tour de France aux côtés de Jan Ullrich, il signe chez le concurrent Gerolsteiner et obtient dans l’indifférence générale une 31ème place au Tour de France.
La même année, tout de suite après le Tour, au mois d’août, il commence à suivre un lourd protocole sous la direction de son manager, Stefan Matschiner. Les prélèvements sanguins ont lieu au laboratoire "Humanplasma", fréquenté en particulier par les fondeurs autrichiens exclus des Jeux olympiques de Turin pour dopage. Plus tard, c’est le manager lui-même qui gère le protocole. Les médecins et techniciens du laboratoire lui ont tout appris !
Ainsi, c’est ce manager-là qui procède aux prises de sang, fait les manipulations lors des transfusions, décide de leur date, de la quantité de sang injecté, le tout sans être inquiété par quiconque lors de ses courtes apparitions sur le Tour. En échange, il récupère 10 % sur l’ensemble des gains du coureur...
Kohl explique ensuite le processus utilisé pour déjouer la vigilance des inspecteurs médicaux de l’UCI et comment la lecture du passeport biologique, dont la même UCI vante les qualités, peut être utilisée pour affiner un protocole de dopage.
Enfin, avec une grande naïveté, Kohl avoue que la CERA, cette molécule de l’EPO troisième génération, était utilisée car personne ne savait qu’elle était désormais détectable.
Que reste-t-il de cette lecture ? Beaucoup de frustration pour l’observateur, qui, une fois de plus, s’est fait rouler dans la farine. Que n’a-t-on pas dit, écrit, commenté lorsque Kohl s’est effondré à même le sol après avoir franchi la ligne d’arrivée à l’Alpe-d’Huez obtenant ainsi les points nécessaires pour conserver jusqu’à Paris son maillot à pois ?.
Mais il y a plus grave. Matschiner est en prison. Les employés du laboratoire, qui lui ont tout appris, sont en liberté et peut-être même exercent-ils leur coupable industrie (car c’en est une) ailleurs.
D’autres questions se posent encore :
- Ou Matschiner s’est-il procuré le matériel nécessaire ?
- Qui est le vendeur ?
- Qui a fourni
la CERA ?
- Ces gens-là sont-ils entre les mains de la police autrichienne ?
Car Kohl n’est pas le seul coupable dans cette affaire. Sa naïveté n’a d’égal que l’étroitesse de son palmarès et son inaptitude totale à exprimer le moindre regret pour avoir poignardé dans le dos son sport.
Maintenant Kohl veut sensibiliser les jeunes au problème du dopage. Il veut écrire un livre. C’est trop tard : Kohl n’a plus aucune crédibilité.
Il reste maintenant à l’UCI à réagir avec fermeté et non pas en s’appuyant sur des règlements obsolètes. Et pendant ce temps Tom Boonen, pris deux fois à la cocaïne, et Valverde, englué dans l’affaire Puerto, mais protégé par la justice de son pays, sont sur les routes du Dauphiné.
Il y a deux ans, j’avais proposé à Christian Prudhomme de distribuer aux coureurs, leaders des différents classements, des maillots cerclés de noir comme ceux que portent les Dalton dans Lucky Luke. Ma proposition est toujours valable...
Jean-Paul Brouchon
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