Il faudra bien qu’un jour on m’explique la tactique des frères Schleck ! Car voilà plus de dix jours qu’ils pédalent à côté de Contador et qu’ils ne se sont pas encore rendu compte que le favori n°1 n’est pas dans son assiette. Chutes à répétition, perte de temps, genou touché et moral atteint : que faut-il donc de plus aux frangins luxembourgeois pour l’attaquer dans la montée de Luz/Ardiden, ou tout au moins pour tester d’entrée sa capacité de résistance à l’effort ? Au lieu de cela, rien : aucune accélération, aucune offensive d’envergure, pas la moindre attaque, juste un démarrage appuyé de Frank Schleck à 2,5 km de l’arrivée pour s’apercevoir enfin que l’Espagnol avait du mal à suivre et qu’il devra même laisser partir les autres favoris : Evans, Basso et Andy Schleck, pourtant pas au mieux eux aussi ! ...
On imagine les dégâts si la course avait été lancée dès le pied de l’ascension finale (13 km). Par qui ? Aucun des favoris n’a voulu prendre la moindre initiative (en étaient-ils capables ?) pour donner à cette grande étape pyrénéenne une allure autre que celle d’une procession. Comme si tous avaient eu peur de s’engager trop à fond et de recevoir le boomerang en retour. Faut-il y voir l’influence de l’AFLD qui, cette année, fait cause commune avec l’UCI dans la lutte contre le dopage ? Un accord qui donne du poids à l’action sur le terrain, c’est certain, alors que l’an dernier l’agence française avait été écartée du Tour pour de sombres raisons. Pas un coureur n’avait été contrôlé positif. Cette fois l’exclusion du Russe Kolobnev après dix jours a-t-il servi d’avertissement ?
Il est vrai que beaucoup redoutaient cette entrée dans la haute montagne. Plus encore les favoris, lorsque les bonnes sensations ne sont pas au rendez-vous. Mais pourquoi donc les Schleck ont-ils fait rouler Voigt à bloc dans la montée du Tourmalet, puis au début de Luz/Ardiden pour en profiter si peu ? Une tactique incompréhensible, surtout lorsque l’on est deux dans la même équipe à pouvoir jouer les premiers rôles et que l’on repousse sans cesse l’échéance. Et Evans ? Passif et sur la défensive jusqu’à 4 km de l’arrivée où il a fallu réagir avec Basso à une banderille de Frank Schleck.
Sur ce qu’il a montré ce jour, c’est peut-être lui, Frank Schleck, qui devient bel et bien le principal favori de cette 98ème édition. A moins que les prochaines journées ne remettent tout en question. Il n’empêche que les cartes ont été rebattues à l’occasion de cette première grande étape pyrénéenne qui a cerné les limites de certains et, au contraire, mis une nouvelle fois en évidence les grandes qualités morales de Thomas Voeckler, toujours en jaune malgré l’addition des difficultés, et qui pourrait bien l’être encore jusqu’à samedi, soit la prochaine arrivée en altitude.
Contador a-t-il déjà perdu le Tour ? Sur ce qu’il a laissé voir de ses possibilités actuelles, il y a lieu d’être inquiet pour lui. Alors que c’était l’occasion de briller sur son terrain de prédilection, il s’est fait petit, discret, au sein du peloton. Mauvais présage ! Comme l’an dernier dans la montée d’Avoriaz, l’Espagnol a bien caché son jeu. Cela ne l’avait pas empêché de gagner son troisième Tour. Enfin, si le TAS le confirme en août prochain… Sauf que cette fois il se retrouve à 2’11 de Frank Schleck et que sa situation est plutôt désespérée, même s’il reste optimiste et qu’il retrouve sa forme du Giro.
Pour ce qui concerne les autres, c’est le statut quo et on en saura plus sur les hauteurs du Plateau de Beille. En attendant, les interrogations demeurent après cette « grande » étape de montagne qui s’est finalement résumée à une course de côte. Et encore…
Bertrand Duboux
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