Il aura fallu la grande étape des Alpes avec les cols d’Agnel, d’Isoard et du Galibier, pour que le Tour 2011 côtoie de nouveau les sommets de l’exploit, ceux qui ont contribué à écrire les plus belles pages de son histoire.
Grâce au coup de poker tenté et réussi par Andy Schleck, tout est relancé, même si le maillot jaune lui a échappé pour 15 petites secondes. Un maillot de leader toujours sur les épaules de l’extraordinaire Thomas Voeckler qui s’est littéralement « dépouillé » pour le sauver dans les derniers kilomètres de l’ascension finale avec le soutien de son équipier Pierre Rolland. Mais surtout grâce au concours de Cadel Evans, obligé de supporter seul le poids de la course et assumer la poursuite derrière le héros du jour en raison de l’effondrementt de Contador !
Oubliées les trois étapes pyrénéennes qui avaient donné lieu à une gué-guerre d’épiciers. Désormais, c’est cette première arrivée au sommet du Galibier, à 2'645 m. d’altitude, à l’occasion de son centenaire, qui servira de référence à cette 98ème édition. Car cette fois la bataille a bien eu lieu, avec ses moments forts, ses coups de bluff et ses incertitudes et ses émotions. Et pourtant celle-ci ne nous fournit pas encore le vainqueur final : à trois journées de l’arrivée sur les Champs Elysées, nul ne sait qui va inscrire son nom au palmarès et qui est désormais le réel favori. Certes Cadel Evans, malgré une erreur d’appréciation sur l’attaque d’Andy Schleck, a limité les dégâts sur la fin mais les positions se sont resserrées au classement général et l’Australien est désormais pris en sandwich par les deux frangins luxembourgeois alors qu’il reste encore à se hisser sur les hauteurs de l’Alpe d’Huez.
Car Andy Schleck allait se faire l’auteur d’un réel exploit après avoir « récupéré » quelques échappés au passage, dont son équipier belge Monfort. Un soutien très utile et efficace pour affronter notamment, dès Briançon, le très fort vent de face de la longue remontée du col du Lautaret. C’est là que la course s’est jouée. Pour avoir laissé le héros du jour prendre jusqu’à 4’30 d’avance avec ceux qui l’accompagnaient, Evans et les autres ont failli tout perdre et il a fallu une prise de conscience, un peu tardive, du leader de BMC pour enrayer l’hémorragie qui menaçait de faire basculer le Tour. Mais les équipiers n’étaient plus là pour abattre leur part de travail.
Andy Schleck a osé et il a gagné. Perdu pour perdu, il fallait le faire et chapeau pour lui ! Car il lui en a coûté pour aller au bout de son effort. Grâce à cet exploit, il revient dans le coup et a encore une opportunité à saisir avant le contre-la-montre de Grenoble. En revanche, c’est fini pour Contador, relégué au fond de la classe sur ce terrain très accidenté et finalement distancé à 3 kilomètres du sommet du Galibier. Longtemps le Madrilène, visiblement en difficulté dès le départ de Pinerolo, a caché son jeu au milieu du peloton. Dès le col d’Agnel on lisait sur son visage le rictus des mauvais jours et l’attaque d’Andy dans l’Isoard le laissait sans réaction. Un signe qui ne trompait pas, et un coup dur pour Evans, privé cette fois de son allié de circonstance, à la traine. Ce qui explique que l’Australien n’ait pas voulu s’engager si tôt dans la défense de sa position.
Devant l’évolution de la situation, il a tout de même fallu que Cadel Evans prenne ses responsabilités pour « sauver » son Tour. Il l’a fait dès la fin du Lautaret, puis dans le Galibier, imposant seul son rythme en tête du groupe des favoris sur les derniers 8 kilomètres. Une attitude digne d’un éventuel vainqueur du Tour, qui a dû assumer et qui a su le faire avec brio, Voeckler, Rolland, Basso, Cunego et Frank Schleck calés dans sa roue arrière au milieu d’une foule immense. Un moment fort de ces trois semaines de course qui ont laissé le pelonton exsangue et en pièces détachées. Beaucoup sont à bout de forces et ont atteint leurs limites, dont l’incroyable Voeckler. Mais le maillot jaune résiste toujours et il ne reste que trois journées jusqu’à Paris. Incroyable mais vrai !
Bertrand Duboux
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