Philippe Gilbert (Omega Pharma-Lotto) vient d’obtenir une quatrième victoire en dix jours dans une classique. Après La Flèche Brabançonne, l’Amstel Gold Race et La Flèche Wallonne, il a remporté Liège-Bastogne-Liège.
Il arrive parfois en cyclisme qu’à l’issue d’une classique le vainqueur ne soit pas l’homme le plus fort de la course. On parle alors de la glorieuse incertitude du sport. Si le vainqueur est le plus fort, mais est inconnu, on parle alors du génial coup de force qui lui a permis de se montrer le meilleur.
Cette année, avec Liège-Bastogne-Liège, la dernière des classiques de printemps, la question n’était pas de savoir qui allait inscrire cette épreuve à son palmarès - puisque Philippe Gilbert en était le grand favori, si ce n’est l’unique favori -, mais qui allait avoir les forces suffisantes pour le battre. La réponse qui nous est donnée est claire et limpide. Actuellement, sur les classiques ardennaises, personne ne peut battre le coureur wallon. Avec Liège-Bastogne-Liège, Philippe Gilbert vient d’obtenir une quatrième victoire en dix jours dans une classique : la Flèche Brabançonne, l’Amstel Gold Race, La Flèche Wallonne, et désormais la « Doyenne », sont maintenant sur sa déjà copieuse carte de visite.
Une fois de plus, Philippe Gilbert et ses compagnons ont livré une course parfaite.Tout d’abord, les échappés matinaux n’ont jamais pu prendre une avance supérieure à quatre minutes afin de ne pas contraindre les équipiers de Gilbert à se lancer dans une épuisante poursuite au cas ou cette avance aurait franchi le mur des dix minutes. Ensuite, la trilogie Wanne, Stockeu et Haute-Levée (du nom des célèbres côtes), véritable entrée du parcours dans les dénivellements ardennais, n’a pas été mise à profit pour lancer de vaines attaques, mais pour procéder à une sérieux écrémage du peloton tendant à supprimer aux leaders des équipiers qui, par la suite, auraient pu se montrer d’une précieuse aide. Enfin une brutale accélération d’Andy Schleck dans l’ascension de la Côte de la Redoute, à 35 km de l’arrivée, a permis de constater que seuls trois coureurs étaient capables de rallier avant les autres l’arrivée : les frères Shleck et Gilbert. Fort de ce renseignement et certain de sa valeur au sprint, supérieure à celle des deux luxembourgeois, Philippe Gilbert attendit alors la Côte de Saint-Nicolas, à 5 km de l’arrivée pour placer une ultime banderille à laquelle seul Franck Schleck put répondre dans l’instant.
De nouveau réunis, les trois hommes ont alors eut une réaction qui fait honneur à leur caractère et à leur sport. Parce qu’il s’agissait de l’arrivée d’une grande épreuve à laquelle le coureur doit tout donner. Parce que tous les trois sont des coureurs qui savent ce que le cyclisme leur doit et ce que le cyclisme leur donne, il n’était pas question pour eux de tergiverser, de finasser, de faire semblant aux abords de l’arrivée. Les frères Schleck savaient qu’ils seraient battus et l’un et l’autre par Gilbert au sprint, mais ils ont accepté de rouler avec leur futur vainqueur pour que l’arrivée soit d’une touchante beauté.
Certains riront peut-être de ces quelques lignes. C’est parce qu’ils ne savent pas que le cyclisme a construit une grande partie de sa légende sur des faits où la probité est la qualité première. Les derniers kilomètres de ce Liège-Bastogne-Liège font partie de ces faits.
La performance de Philippe Gilbert se double d’une grande valeur sentimentale. Gilbert est né au pied de la Côte de la Redoute, dans le petit village de Remouchamps. Il y a passé toute son enfance puis toute son adolescence. Il en connaît les moindres recoins en tant que coureur et en tant que chasseur (c’est un redoutable fusil pour le renard et le cerf). Gagner devant les siens, devant ceux qui l’ont vu grandir, devant ses camarades d’école, devant ses anciens voisins, c’est une liesse qu’il ne connaissait pas encore et que le cyclisme vient de lui apporter parce qu’il le mérite.
Jean-Paul
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