194,5 km, de Limoges à Issoudun- une étape idéale pour les sprinteurs, en ce jour de fête nationale. Mais que retiendra-t-on, au soir de ce 14 juillet ? L’exploit du vainqueur ou le fait qu’il ne portait pas d’oreillette comme tous ses compagnons ? Car l’UCI (l’Union Cycliste Internationale), qui régit le sport cycliste, a donné son aval pour que cette étape se déroule sans ce petit émetteur-récepteur que toutes les équipes ont adoptées depuis 1996 (après une première tentative dans les années 90 initiée par Motorola, l’équipe d’un certain Lance Armstrong). Une initiative due à Daniel Bilalian, le directeur des sports de France Télévisions (qui, au passage, redonne ses lettres de noblesse à l’ardoisier, déjà très sollicité au cours des récents championnats de France, courus sans oreillettes. Ce qui a favorisé la victoire du quasi-inconnu Dimitri Champion, le bien nommé, de l’équipe Bretagne-Schuller.) Une seconde étape, le 17 juillet, entre Vittel et Colmar, se déroulera, elle aussi, sans oreillettes.
En gros, dans ce débat, il y a deux camps : celui des directeurs sportifs, plutôt pour (qui brandissent un argument imparable, celui de la sécurité), et les coureurs, surtout français, plutôt contre, qui pensent que cela tue toute initiative. Il y en a même certains, comme Thomas Voeckler et Pierrick Fédrigo, tous les deux chez BBox Bouygues Telecom, qui refusent d’être appareillés. Cette idée a d’ailleurs été saluée par l’association internationale des coureurs, présidée par le français Cédric Vasseur, l’ancien coureur de la Quick Step.
Paradoxalement, l’étendard de la révolte anti-oreillettes est mené par Marc Madiot, manager de l’équipe La Française des Jeux et président de la Ligue française, qui enfonce le clou : " Pourquoi, s’interroge-t-il, le coureur idiot qui a négligé d’étudier le parcours ou la météo des vents recevrait-il par radio la même info que le gars qui a bossé sérieusement ? L’oreillette avantage les mauvais coureurs. Et nous, au volant des voitures, on a l’impression de faire du radio guidage ". " C’est une stupidité, rétorque Julien Jurdie, son pendant chez AG2R. En 2009, le vélo serait donc le seul sport qui interdirait à l’entraîneur de coacher ses sportifs ! A peu près comme si l’entraîneur de foot était obligé de rester aux vestiaires… Et pourquoi pas aussi revenir à la chambre à air, aux boyaux autour du cou, et dégoudronner quelques routes, on aurait du spectacle à l’ancienne ! "
Idem chez Johan Bruyneel, manager de l’équipe Astana, à l'initiative d'une pétition - ni plus, ni moins ! - remise à Christian Prudhomme dans laquelle il affirme : "Nous nous sommes mis d'accord avec la majorité des équipes pour dire que nous sommes opposés à ces deux journées sans communication radio. Le Tour est trop énorme. Il est trop encombré de voitures d'invités, de motos, de photographes. Il est complètement injustifiable et inacceptable que, sur le plus grand événement de l'année, on fasse tout d'un coup une expérience pour voir ce qui va se passer". Selon lui, 14 équipes sur 20 auraient signé ce document. Avec la menace, ridicule, (pour deux étapes seulement !) de braver le réglement et d'être exclue par la direction du Tour.
Jean-Paul Brouchon apporte sa contribution au débat : " J’ai un avis un peu mitigé sur la question, répond-t-il. Les oreillettes servent quand-même pour des raisons de sécurité. Mais il est vrai qu’elles gâchent la course : elles enlèvent aux coureurs une grande partie de leur autonomie. " Et peut même les faire perdre. " Sur un Tour d’Italie, se souvient-il, un gars s’était échappé. Son directeur sportif lui a demandé de se relever parce que le peloton revenait. Or, le peloton n’est jamais revenu et le coureur s’est classé deuxième alors qu’il aurait pu gagner… Et, confidences pour confidences, quand je suivais le Tour en moto pour France Infos, c’est moi qui donnait les écarts à l’équipe Renault-Gitane. Marc Madiot m’avait surnommé « Radio Guimard "... (Du nom du directeur sportif de l’équipe, qui comptait dans ses rangs Bernard Hinault).
On verra, au soir de cette étape si la privation des écouteurs aura joué un rôle dans la stratégie et le classement. Et si elle risque de perdurer, en dépit de l’UCI qui continue à défendre les oreillettes. Mais il y aura au moins un homme heureux : Daniel Bilalian qui enfourche une autre idée pour le prochain Tour : placer un micro sur certains vélos. " Aujourd’hui, les gens veulent voir par le trou de la serrure, reconnaît-il. Le Tour de France est le dernier sport qu’on regarde passer et il est muet. Notre idée, c’est d’avoir le bruit du peloton, mais ça a toujours été refusé. Je pense que les coureurs n’ont pas envie qu’on les entende… Mais je ne renoncerai pas. "
Philippe de La Grange
Non, l'oreillette n'avantagera pas le mauvais coureur. Si un coureur est zéro en tactique de course, il perdra avec ou sans oreillette.
Et puis, le coureur n'est pas obligé d'écouter son directeur sportif dans l'oreillette, néanmoins un coureur aime bien être informé de la course.
Rédigé par : Cyrille LEVEQUE | 15 juillet 2009 à 18:11