Par Jean-Paul Brouchon
Les organisateurs du Giro jouent avec le feu. Pour le centenaire de l’épreuve, ces organisateurs-là, après avoir décidé que l’épreuve prendrait le départ de Venise et se terminerait à Rome, capitale de l’Italie, ont été contraints de placer Milan sur le parcours. Pourquoi Milan ? Parce que c’est de cette ville que le Giro a pris son envol pour la première fois il y a cent ans. Parce que Milan est le siège du journal, La Gazetta Dello Sport, qui soutient le Giro depuis son origine. Parce que Milan est depuis toujours la ville-arrivée de l’épreuve.
Alors, une fois les Dolomites (en partie tronquées) franchies et les Alpes presque ignorées, la route était libre pour une étape à Milan. Les organisateurs ont alors placé un critérium dans les rues de la capitale lombarde après le premier tiers de la course et avant la journée de repos. L’idée n’est pas louable. Le Giro n’est pas une course américaine ou australienne, où parfois des critériums sont inclus dans le parcours. Imagine-t-on un critérium à Paris, en plein Tour de France ? Assurément non. En Italie, pays de la Comedia Del Arte, on ne s’embarrasse pas de telles considérations. Le spectacle doit primer.
Mais les coureurs, après avoir effectué cinq tours du circuit proposé à une allure de cyclotouristes, se sont carrément arrêtés sur la ligne d’arrivée. Danilo Di Luca, le porteur du maillot rose, a alors pris la parole ...
et exprimé au public les regrets du peloton de devoir agir ainsi étant donné la dangerosité dudit parcours (nombreux virages, rails de tramway, présence de zones pavées). Le jury des commissaires a entendu les doléances des coureurs et décidé que… les temps ne seraient pas pris en compte et qu’en conséquence cette étape compterait « pour du beurre. »
La course a alors repris à allure plus rapide mais rapidement les sprinters et leurs équipiers se sont isolés en tête de l’étape. Une trentaine de coureurs seulement ont disputé le sprint final remporté par le britannique Mark Cavendish. Les Di Luca, Armstrong et bien d’autres ont terminé en roue libre loin des premiers.
Cette étape se termine donc en affront pour les organisateurs.
Le grand patron du Giro, l’ancien journaliste Angelo Zomegnan, n’a pas apprécié cette attitude des coureurs. Il a même laissé entendre que les coureurs d’Astana avaient été les instigateurs de cette fronde, ce qui ne serait pas étonnant car Lance Armstrong lui-même sur une chaîne de TV américaine, a exprimé à plusieurs reprises une certaine appréhension des fins d’étape, toujours couvertes à vive allure, surtout dans les descentes situées aux abords des arrivées.
Le Tour d’Italie a toujours été et de tous temps l’objet de dissensions. Il me souvient par exemple que lorsque la participation de Bernard Hinault à l’épreuve avait été envisagée, celle-ci n’avait été effective qu’après une journée entière de discussions entre les organisateurs et la Régie Renault, alors patron du Français, pour obtenir des garanties quant à la régularité de la course.
L’histoire donc se répète au Tour d’Italie et pas forcément pour la gloire du cyclisme.
Jean-Paul Brouchon
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