Par Jean-Paul Brouchon
La longue histoire de Paris-Roubaix regorge de belles histoires ou la chance donne un coup de pouce au vainqueur. Ce fut le cas en 1896 ou pour la première édition de l’épreuve : le futur vainqueur l’Allemand Josef Fisher, qui caracole en tête depuis bien longtemps, doit éviter de justesse un cheval attelé à une voiture hippomobile, effrayé par le tumulte causé par le passage de la course, puis contourner un troupeau de vaches occupant la totalité du chemin et ne voulant pas, malgré les efforts du bouvier, aller brouter un peu plus loin.
C’est encore le cas lorsqu’en 1919, Henri Pélissier, l’enfant terrible du cyclisme français échappé avec son frère Francis et le belge Philippe Thys est contraint de s’arrêter à un passage à niveau, un train libérant une dizaine de voyageurs. Henri Pélissier voit alors dans le lointain le rapide Barthelemy sur le point de le rejoindre. Pélissier, vélo sur l’épaule, monte alors dans le train ...
et descend à contre-voie pour terminer au vélodrome de Roubaix sans se rendre compte qu’un autre train aurait pu arriver et que celui dans lequel il se trouve aurait pu redémarrer.
Beaucoup plus près de nous, Roger De Vlaeminck au cours de ses quatre succès n’a connu qu’un minimum d’ennuis. Bernard Hinault, en 1981, tombe dans un virage, se relève pour constater que le chemin est obstrué par un amas de motos et de spectateurs. Vélo sur l’épaule, il contourne l’obstacle, réapparaît un peu plus loin après avoir poussé quelques spectateurs, et rejoint aisément le groupe auquel il appartenait pour l’emporter un peu plus tard à Roubaix.
Cette année, la chance s’est montré bienveillante avec Tom Boonen. Tour d’abord, il tombe dans le deuxième secteur et se relève, le maillot boueux et l’avant-bras gauche ensanglanté. Il déploie tant de force que les roues de sa machine commencent à donner de grands signes de faiblesse à 30 km de l’arrivée. Contraint de changer de vélo, il utilise alors celui qui lui avait permis de remporter l’épreuve l’an dernier et qui n’avait pas servi depuis. Dans le secteur du Carrefour de l’Arbre, aux abords de l’arrivée il imprime un tel rythme à le course que dans son sillage l’espagnol Flècha rate un virage entraînant dans sa chute les Belges Hoste et Van Slimeren et retardant l’Italien Pozatto. Puis, toujours dans le même secteur, le Norvégien Hushovd manque lui aussi un virage laissant Boonen filer seul vers le vélodrome.
Boonen dans ces derniers kilomètres donne toute sa puissance, franchit la ligne en vainqueur sans offrir au public de grands gestes pour démontrer qu’il est le vainqueur. Boonen est bien trop fatigué pour cela. Le manager de la formation Quick Step doit même le soutenir pour le conduire sur le podium. De son propre aveu, Boonen a souffert le martyr pour s’offrir cette troisième victoire.
Boonen a donc su apprivoiser la chance mais c’est parce que celle-ci n’accorde ses faveurs qu’aux audacieux. Par son attitude en course, Boonen s’est révélé le plus audacieux du peloton. Il est normal et juste qu’il en tire le bénéfice.
Jean-Paul Brouchon
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.