Le belge Philippe Gilbert (Omega Pharma-Lotto) est non seulement l’un des coureurs les plus attachants du peloton professionnel mais encore un remarquable athlète qui fait honneur à sa profession. Sa victoire dans le Tour de Lombardie, la deuxième consécutive, est un modèle du genre.
Durant toute la journée, accompagné par une pluie incessante du départ à l’arrivée et par une température ne dépassant pas les 10°C, Gilbert a été au centre de la course. Il a tout d’abord fait rouler ses équipiers qui, plus que jamais se sont mis à son service, avant d’entrer en scène dès les premiers abords du nouveau secteur stratégique de la course avec une concentration de trois difficultés dans les 60 derniers kilomètres (Madonna del Ghisallo, Colmano di Sormano et San Fermo Della Battaglia trois montées abruptes permettant de dominer le Lac de Côme). Les coups d’accélérateur de Gilbert ont considérablement provoqué une cascade d’abandons tant et si bien qu’à 30 kilomètres de l’arrivée, ils n’étaient plus qu’une petite quinzaine sur les 196 partants à pouvoir encore viser la victoire. Dans la descente de Sormano, périlleuse en raison de la pluie et de la présence des premières feuilles mortes, l’italien Nibali - pourtant l’un des meilleurs dégringoleurs du peloton - se retrouvait à terre pour ne plus pouvoir ensuite, très fatigué, rejoindre Gilbert, seul alors en tête de l’épreuve. Avec astuce, Gilbert a attendu l’italien Scarponi, réputé pour sa loyauté en course, qui suivait à une dizaine de secondes du belge et les deux hommes ont entamé ensemble l’ascension de San Fermo. A 300 mètres du sommet, Gilbert s’est dégagé pour acquérir une nouvelle victoire dans une classique. Gilbert a ainsi piégé les autres favoris sur leur propre terrain (Nibali en descente et Scarponi en montée). C’est ce qui rend son succès encore plus beau, presque pathétique dans des conditions climatiques difficiles.
Philippe Gilbert est le type même de coureur qui sait choisir ses objectifs. Le calendrier cycliste international est, on le sait, très copieux. Gilbert ne court jamais à tort et à travers. Il est présent en début de saison. Cette année, par exemple, il a terminé 3ème du Tour des Flandres, 3ème de Liège-Bastogne-Liège, 6ème de la Flèche Wallonne et a remporté l’Amstel. Il a observé ensuite une période de repos studieux en faisant l’impasse sur le Tour de France. Il est revenu en compétition en août pour remporter une étape du Tour de Belgique et a enchaîné avec deux étapes du Tour d’Espagne. Il espèrait être champion du monde en Australie mais l’évolution de la course ne lui a pas éte favorable alors qu’il était le plus fort des participants. Nullement abattu, il était à nouveau favori de Paris-Tours mais là encore, il dut subir des conditions de course peu agréables (l’italien Pozzato est plus attaché à le faire perdre qu’à tenter sa propre chance). En Italie, il a aligné deux victoires en trois jours : Tour du Piémont et Tour de Lombardie.
Chaque classique a sa particularité mais le Tour de Lombardie est de loin la préférée des coureurs car elle ne s’offre qu’à ceux qui en fin de saison ont su conserver des forces et son nouveau parcours en fait une épreuve de semi-montagne dans un cadre pittoresque (même lorsqu’il pleut). Les coureurs ne s’y sont point trompés puisque les rares qui ont terminé cette épreuve sont tous venus chaleureusement féliciter le vainqueur.
La saison cycliste est pratiquement terminée. Pour la deuxième année consécutive, les coureurs italiens n’obtiennent aucun succès dans les classiques. Le bilan 2010 est favorable aux nations européennes alors que, paradoxalement, les coureurs venus des autres continents n’ont jamais été aussi nombreux dans le peloton. Pour cette année, en effet, on note uniquement pour les classiques : trois victoires espagnoles (Freire pour Milan-San Remo et Paris-Tours et L.L.Sanchez pour San Sebastien), deux victoires suisses (Cancellara pour le Tour des Flandres et Paris-Roubaix), deux victoires belges (Gilbert pour l’Amstel et le Tour de Lombardie) et une victoire autrichienne (Eisel pour Gand-Wevelgem) alors que les autres continents obtiennent une victoire pour les Etats-Unis (Farrar pour Hambourg), une victoire pour l’Australie (Flèche Wallonne pour Evans) et une victoire pour l’Asie (Vinokourov à Liège-Bastogne-Liège).
Il n’est pas inutile enfin de souligner que Philippe Gilbert est un coureur qui a appris son métier en France sous la houlette de Marc Madiot. Il est entré à la FDJ fin 2002 en tant que stagiaire et n’a quitté cette formation qu’en 2009 pour tenter sa chance dans une équipe de son pays.
La classe est innée chez les coureurs cyclistes mais encore faut-il savoir la faire fructifier.
Jean-Paul
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