La course aux points pour l’accès au World Tour et le regroupement des forces sont les thèmes marquant de la période des transferts qui dessine le visage du peloton 2012. L’équipe américano-suisse BMC, tout auréolée du succès de son leader Cadel Evans sur le Tour cette année, et forte de sa nouvelle notorité, n’a pas lésiné sur les prix et s’est offert deux des stars du moment : Philippe Gilbert, le numéro 1 mondial et grand dominateur des Classiques de printemps, ainsi que Thor Hushovd, vainqueur de deux étapes et sept jours maillot jaune. Sans oublier le talentueux Van Garderen. De quoi peser lourdement sur toutes les épreuves du calendrier aussi bien dans les courses en ligne et que par étapes. C’est une véritable « machine de guerre » qu’a voulu constituer le patron Andy Rihs pour concurrencer la nouvelle RadioShak-Nissan (Horner, Klöden, Zubeldia, Rast, Popovych) qui a absorbé l’effectif de feu Leopard-Trek avec les Cancellara, Fränk et Andy Schleck, Bennati, Zaugg le grimpeur, Gerdemann, Voigt, Fuglsang, Monfort et Posthuma !
Mario Becca a-t-il vu trop grand en voulant supporter seul un investissement aussi important ? Une année après la création de son équipe, l’homme d’affaires luxembourgeois, par ailleurs dans le collimateur de la justice du Grand Duché, a dû composer avec le groupe américain pour demeurer à la hauteur de ses ambitions de départ. Mais si le nom Leopard a disparu, le patron reste en soutien de la nouvelle entité où l’influence des cycles Trek a été déterminante.
Idem en ce qui concerne Specialized qui équipait Astana et Saxo Bank, puis Highroad cette saison. Suite à la disparition de HTC, la firme américaine de cycles - comme en 2010 avec Contador - a investi sur l’Allemand Toni Martin, champion du monde du contre la montre, pour autant qu’il signe avec le nouveau groupe Omega-Quick Step qui comprend Grabsch, les frères Velits, Rabon et le vétéran américain Leipheimer, transfuge de RadioShak. En revanche Mark Cavendish lui a échappé au profit de l’équipe britannique Sky où le champion du monde sur route retrouve le rapide Eisel.
Autre nouveauté, l’arrivée de l’australienne Greenedge grâce à un financier au bras long ! Trente coureurs ont été pris sous contrat dont dix-sept Australiens. Parmi eux, les vétérans O’Grady, McEwen, Cooke et Davis, Matthew Goss, le vainqueur de Milan-San Remo, Jack Bobridge, le nouveau recordman du monde des 4 kilomètres, Durbridge, Gerrans ainsi que le Suisse Albasini, le Hollandais Weening et le Lituanien Vaitkus. Une formation appelée à jouer les premiers rôles essentiellement dans les courses en ligne.
Avec Vandenbroeck, Greipel, Bak et Henderson, la nouvelle belge Lotto-Ridley a elle aussi été active sur le marché, de même que l’espagnole Movistar qui accueille le jeune spécialiste du chrono Castroviejo, le vétéran Karpets, le champion d’Italie Visconti ainsi que Valverde, de retour après deux ans de suspension pour son implication dans l’affaire des poches de sang du docteur Fuentes. Ce fut plus calme pour Saxo Bank (Riis a été prié de respecter le budget !) qui a engagé Kroon et Paulinho. La hollandaise Skil s’est renforcée avec le grand espoir allemand du sprint, Degenkolb, ainsi que le remuant Samuel Dumoulin. Quant aux Russes de Katusha, ils récupèrent Oscar Freire (36 ans) « dégagé » sans ménagement de Rabobank, Vicioso ainsi que le controversé David Rebellin, en provenance d’une modeste formation italienne où il a fait son retour cette saison à 40 ans après avoir purgé deux ans de suspension pour dopage !
Au vu des mouvements enregistrés ça et là, c’est un peu le jeu des chaises musicales. Il n’empêche que les fusions entre quatre des plus importants groupes donne le ton de cette campagne des transferts qui renforce les nantis au détriment des petits structures obligées de « ramer » désormais afin de pouvoir présenter un budget digne du World Tour et surtout de parvenir à le boucler. Pour beaucoup, les temps sont durs en raison de la crise économique et les points des coureurs attisent les convoitises au risque de dénaturer désormais le déroulement des courses à cause de l’influence à la fois insidieuse et pernicieuse de ce système. Celui-ci sert à renforcer les effectifs. C’est le sésame pour avoir directement accès à toutes les plus grandes épreuves.
Va-t-on courir désormais pour la victoire ou pour marquer des points ? C’est la question que l’on est en droit de se poser. Quel va être le comportement des coureurs face à ce problème qui conditionne l’avenir de beaucoup d’entre eux ? Geoffroy Lequatre l’a déjà évoqué, lui qui n’a pas été conservé dans l’effectif de RadioShak et qui, faute de suffisamment de points, n’a pu intéresser que Bretagne-Schuller. Pour ce qui concerne les autres formations françaises, AG2R perd Dessel (arrêt) et retrouve Casper; Europcar, qui passe à 25 coureurs, a fait l’effort d’engager Malacarne, Björn Thurau (le fils du maillot jaune de 1977) et l’espoir italien du sprint Matteo Pelucchi (22 ans); Cofidis Di Gregorio (El Farrès quitte, ainsi que Gallopin qui retrouve son oncle chez RadioShak-Nissan); Saur-Sojasaun Brice Feillu, Le Lay et Méderel. Quand à la Française des Jeux, elle ouvre son effectif au jeune sprinter Arnaud Démare, le champion du monde des moins de 23 ans.
La période des transferts va du 1er août au 31 décembre. Quinze équipes sont retenues d’office pour le World Tour. A partir du 20 novembre, trois autres formations sont appelées à venir compléter le peloton pour porter le nombre à dix-huit. A noter que les Hollandais de Vacansoleil ont été finalement acceptés en World Tour alors que les Américains de Garmin ainsi que les Espagnols de Geox, managés par le Suisse Mauro Gianetti, ont été recalés. Un recours est possible jusqu’au 10 décembre.
Bertrand Duboux
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