En 1960, Raymond Poulidor est un tout jeune professionnel, mais il est déjà sélectionné pour les Championnats du Monde. L’épreuve a lieu à Karl-Marx Stadt, dans l’ex-Allemagne de l’Est. Le circuit est long de neuf kilomètres et il est à parcourir trente-deux fois. Raymond Poulidor, que peu de coureurs connaissent, n’est pas le favori de l’épreuve. Cependant, il est en excellente condition physique et nullement impressionné par le fait d’être ceint du maillot de l’équipe de France aux côtés des meilleurs coureurs du monde. Il rejoint Karl-Mark-Stadt au terme d’un long voyage en voiture de 1400 km en compagnie d’un autre coureur de l’équipe de France, Marcel Rorhbach, et du masseur Leoni. Arrivé sur place, il constate que la Fédération n’a pas prévu de mécanicien. Alors, le matin même de la course, il colle lui-même ses boyaux.
Le départ est donné. Poulidor reste dans le peloton sans se faire remarquer comme le lui a recommandé son directeur sportif Antonin Magne. A mi-course, l’équipe de France provoque une sélection et à 30 km de l’arrivée il y a trois coureurs français en tête avec 2 minutes d’avance sur le peloton : Rohrbach, Graczyck et Poulidor. Le boyau arrière de Poulidor quitte son logement à cet instant précis. Comme il n’y a pas de voiture suiveuse, Poulidor doit se rendre au poste de matériel le plus proche. Là, on lui donne le vélo de rechange de Rohrbach. Mais Rohrbach court chez Peugeot. Colère d’Antonin Magne qui ne veut pas voir son coureur sur une autre monture que celle qu’il utilise habituellement, une Mercier. Palabres. Finalement Poulidor repart sur une bicyclette Mercier. Il termine à la 5ème place de ce Championnat du Monde remporté par le belge Van Looy.
Poulidor a toujours estimé que cette année-là il était le plus fort de la course et aurait très bien pu être champion du monde si un mécanicien avait été prévu dans l’encadrement fédéral.
En 1963, le Championnat du Monde a lieu à Renaix, en Belgique. Les Belges, bien entendu, sont les grands favoris. Toute l’équipe de Belgique a été construite autour de Rik Van Looy. Tous les coureurs belges n’ont qu’un seul mot d’ordre : faire gagner Van Looy. Le circuit n’est pas d’une grande difficulté. Il n’y a qu’une seule côte longue de 2 km, mais pavée. Toutes les attaques des hollandais, allemands et français sont contrées par les Belges. Finalement, à l’amorce du sprint final ils ne sont plus que vingt-neuf à entrevoir la victoire dont une majorité de coureurs belges. Parmi eux aux premières loges Van Looy, bien sûr, et Benoni Beheyt, un coureur puissant qui commence à se construire un palmarès.
A 200 m de la ligne, une scène incroyable se produit. Van Looy qui est en tête commence à flèchir et voit sur sa gauche Beheyt qui s’apprête à le dépasser. Van Looy, alors, fait mine de tasser Beheyt le long des barrières, lequel le repousse de la main droite et passe la ligne le premier. Beheyt est champion du monde.
Sur le podium, Beheyt baisse la tête. Van Looy fait grise mine. Convaincu d’avoir rompu un pacte Beheyt n’a plus jamais ensuite remporté la moindre course. Le public lui en a toujours voulu de n’avoir pas favorisé la victoire de celui qui était nommé "Rik 1er, empereur du cyclisme belge".
En 1970, le Championnat du Monde a lieu en Angleterre, à Leicester. A cette époque, l’Union Cycliste Internationale délivre une licence professionnelle à n’importe qui. C’est ainsi que se présente sur la ligne de départ un représentant des Bahamas. Un véritable colosse doté d’une musculature impressionnante. Il a les cheveux longs et une barbe qui n’a pas été taillée depuis plusieurs semaines. Ses jambes ne sont pas rasées. Il provoque l’hilarité générale.
Pas pour longtemps car lorsque le départ est donné, les coureurs se rendent compte qu’il ne sait pas rouler en peloton. Il zigzague sur la route et chacun de l’éviter. Le peloton dans son ensemble accélère pour ne plus le compter dans ses rangs. Au bout d’une heure de course le peloton, qui vient de parcourir 43 km (alors que notre représentant des Bahamas termine avec peine son 12ème km), double avec prudence le retardataire. Les officiels veulent l’arrêter mais il se fait menaçant et veut faire le coup de poing. Finalement, vaincu par la fatigue, ce boxeur-coureur regagne son hôtel. On ne l’a plus jamais revu dans une course et jamais non plus sur un ring !
Jean-Paul
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