Si Chris Froome a gagné le Tour à la Pierre-Saint-Martin (10ème étape), Nairo Quintana l’a perdu le deuxième jour déjà dans les bordures de la mer du nord, du côté de Port Zélande. Tel est le constat brutal de l’édition 2015.
Le reste ne fut qu’anecdotique avec des scénarios quotidiens écrits d’avance, toujours les mêmes, et la porte ouverte aux baroudeurs mal classés qui ont enlevé sept des huit étapes de montagne restantes ! Majka s’est imposé à Cauterets, Rodriguez au Plateau de Beille, Plaza Molina à Pau, Geschke à Pra Loup, Bardet à Saint-Jean-de-Maurienne, Pinot à l’Alpe d’Huez et Nibali, le revenant, à La Toussuire après un formidable raid solitaire facilité par son retard au classement général. Sans oublier Cummings sur les hauteurs de Mende.
Il restera aussi de ce Tour new-look (un seul chrono de 14 km, retour des bonifications en montagne, sept étapes seulement pour les sprinters) le final grandiose vers l’Alpe d’Huez où Thibaut Pinot, à la force de caractère exceptionnelle, a redonné des couleurs à la FDJ, particulièrement accablée par les chutes et les incidents depuis le départ d’Utrecht. Sa résistance héroïque au retour de Quintana a mis en ébulition une foule invraisemblable alors que le petit grimpeur colombien, enfin sorti de sa réserve à l’occasion de l’ultime étape des Alpes, était en train d’effacer une bonne partie de son retard sur Froome, en grande difficulté.
Le maillot jaune dans le rouge ! Qui l’eût crû après sa phénomènale démonstration pyrénéenne sur les pentes du col de Soudet ? Froome et l’état-major de la Sky étaient venu repérer l’endroit, en juin, et le plan d’attaque a magnifiquement fonctionné, au point de susciter d’innombrables interrogations après l’envolée spectaculaire du Britannique qui a mis l’opposition en lambeaux en une dizaine de kilomètres d’ascension !
Bardet à 8’50, Pinot à 10’03, Péraud à 5’38, Nibali à 4’05. Mais aussi nettement distancés : Barguil (3’19), Contador (2’51), Van Garderen (2’10), Valverde (2’01) et même Quintana (1’04). Tous, parmi les meilleurs coureurs du monde, scotchés à la route au lendemain du premier jour de repos. Comme si une préparation médicale (à base de vitamines B12 ?), aurait mal passé à cause de la grosse chaleur. Ce Tour 2015 a été celui de la canicule et tous n’ont pas évolué à leur niveau habituel, n’ont pas eu le rendement qu’on leur connaît généralement. Tous sauf Froome, à l’origine d’une nouvelle polémique qui a amené le manager David Brailsford sur le plateau de France Télévisions pour répondre à quelques questions embarrassantes suscitées par une étude de Pierre Sallet, docteur en physiologie.
Le poids de Froome ? Il ne sait pas. Sa VO2max ? Top secret. Les résultats de ses tests d’effort à l’entraînement ? C’est personnel. Son seuil anaérobique ? Motus. Sur la base de sa performance à la Pierre-Saint-Martin, Pierre Sallet avait estimé sa puissance à 7,04 watts/kilo, soit un profil anormalement élevé (près de 500 watts au total). Or avant lui, avec un tel résultat, Armstrong et Ullrich notamment ont été confondus par des analyses antidopage…
Avec plus de 20 millions d’euros de budget, l’équipe Sky représente sans doute ce qu’il se fait de mieux au niveau de la préparation physique, médicale et psychologique. Un nutritionniste, un expert scientifique, des entraîneurs en pagaille avec à leur tête Tim Kerrison qui conteste les chiffres avancés et propose pour sa part 5,78 watts/kilo. Une querelle de scientifiques derrière laquelle se réfugie Brailsford, comme derrière un paravent pour lui permettre de botter en touche, sans apporter aucune explication valable, sauf que « Chris est vraiment un coureur spécial » ! Ben, voyons.
Plus tard, pour couper court aux rumeurs malveillantes, Froome a rendu public son poids : 67,5 kilos, ce qui donne un résultat de 6,13 w/kg et une puissance totale de 413 watts. On nage en pleine confusion, peut-être pour mieux entretenir le mystère autour du phénomène kényan. En attendant, il a remporté dans la douleur son deuxième Tour de France. Certes, il a bien mérité ce nouveau sacre jusqu’à ce qu’on découvre que Dave Brailsford est au cœur d’une belle arnaque et qu’il a enfumé tout le monde. Au point d’entraîner les sceptiques dans un débat de chiffres interminable alors qu’un petit moteur était tout simplement caché dans le pédalier ! Et tout cela au conditionnel, bien sûr.
Bertrand Duboux
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