Après avoir pris son envol des quatre coins de l’Europe, le Tour de France en Corse est une grande première à l’occasion de sa centième édition !
On a du mal à le croire et pourtant les Pays Bas, dès 1954, puis la Belgique, l’Allemagne, la Suisse, le Luxembourg, l’Espagne, l’Irlande, l’Angleterre et Monaco ont passé avant l’île chère à Tino Rossi. Un exploit, un de plus, car partir de Porto Vecchio n’est assurément pas une sinécure et il faut ici saluer une nouvelle fois le savoir-faire de l’équipe d’organisation qui a eu à maîtriser moult paramètres (transport, hébergement notamment) et gérer sur place un séjour de près d’une semaine pour quelque quatre mille personnes en plein mois de juillet, celui des grandes vacances estivales !
Au programme cette année, pas de prologue mais trois étapes en ligne avec notamment la deuxième au profil accidenté entre Bastia et Ajaccio, via Corte et le centre du pays, avec déjà trois petits cols (Bellagranajo, Serra et Vizzavona/1'163 m), ce dernier situé certes à soixante kilomètres de l’arrivée. Mais la Corse, c’est un terrain permanent d’embuscades et de guet-apens, avec des petites routes étroites et sinueuses, qui vont rendre la vie dure aux quelque 198 partants.
Dans ces conditions, toutes les équipes avec des ambitions vont vouloir faire la course en tête. D’où risque accentué de chutes et d’accrochages. Et gare aussi à la crevaison et à l’incident mécanique car il ne sera sûrement pas facile dans ces cas-là de revoir la tête du peloton. Un début de Tour qui exigera une concentration maximum pour ne pas perdre trop de plumes dans l’aventure (ça nous rappelle le départ de l’île de Noirmoutier et le passage du Gois en 1999). Ce n’est assurément pas en Corse que se gagnera cette 100ème édition mais c’est peut-être bien sur cette terre déchirée et exposée aux vents de la mer qu’elle pourrait être fatale à certains favoris.
Avec deux chronos réduits cette année (Avranches-Mt Saint-Michel 33 km et Embrun-Chorges 32 km) et plusieurs arrivées au sommet (Ax-3 Domaines, Ventoux, Alpe d’Huez, Annecy/Semnoz), le parcours offre un terrain favorable aux grimpeurs et aux attaquants. On pense aux Colombiens Quintana et Betancur, mais aussi aux Espagnols, bien représentés par les Joaquim Rodriguez, Valverde, Moreno et Contador, pour autant que ce dernier soit plus performant que sur les routes du Dauphiné… Mais sans oublier Froome, plus efficace que Wiggins dans ce domaine et qui nous promet de ne pas se confiner dans un rôle défensif.
Si la traversée des Pyrénées apparaît, semble-t-il, un peu adoucie cette année (Castres-Ax-3 Domaines, avec l’ascension du Port de Pailhères, et St.Girons-Bagnères-de-Bigorre, avec Portet d’Aspet, Menté, Peyresourde, Val Louron/Azet, La Hourquette d’Ancizan), la deuxième partie montagneuse s’annonce « musclée » et copieuse avec en prélude l’arrivée au sommet du mont Ventoux (1'912 m) à l’issue d’une 15ème étape longue de 242 kilomètres, la plus longue de toutes. De quoi faire très mal à des organismes déjà éprouvés.
Dans l’esprit des coureurs, le Ventoux reste l’épouvantail redouté depuis qu’il est apparu en 1951. Que la canicule sévisse ou qu’il vente, rien n’est jamais facile sur les pentes du géant de Provence. On y a vu défaillir Malléjac et Kubler en 1955, mourir Simpson en 1967, Merckx et Thévenet risquer l’asphyxie en 1970 et 1972. On y a aussi vu s’envoler Pantani et Armstrong en 2000, Virenque se faire violence en 2002 mais c’était un autre cyclisme, celui des excès et des exploits frelatés.
Pour finir, les Alpes, avec la double ascension de l’Alpe d’Huez, l’étape du Grand Bornand le lendemain (Glandon, Madeleine, Tamié, col de l’Epine, Croix-de-Fer), et même les 125 kilomètres entre Annecy et les hauteurs de Semnoz (1’655 m d’altitude) via le Mont Revard, restent un massif redoutable à franchir en dernière semaine. Il n’en sera pas autrement cette fois encore et l’on peut redouter qu’il n’y ait plus beaucoup de soldats valides pour faire la guerre à quelques jours du final en nocturne sur les Champs Elysées.
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