Entre les désirs des uns et la réalité du terrain, il y a souvent un monde de différence. Journalistes et commentateurs s’y engouffrent facilement mais sans voir leurs souhaits souvent concrétisés. Le cyclisme moderne ne fait plus rêver. Les coureurs, avec leurs oreillettes branchées, roulent au millimètre et attendent la bonne occasion pour forcer le destin. Il n’y a plus personne pour prendre des risques et on est loin de l’époque Coppi ou Merckx. Il n’y a plus dans le peloton ni Gaul, ni Bahamontès, ni Jimenez ; les grimpeurs colombiens sont aux oubliettes (en attendant le jeune Quintana) ; Virenque est tombé de son piédestal, Pantani est mort et Di Gregorio est en garde à vue !
Qu’attendre donc de la montagne qui se présente ? Le col du Grand Colombier, obstacle inédit sur le tracé 2012 (18 km à 7 % de moyenne, avec des passages à 12 %) a été escamoté par les coureurs du Critérium du Dauphiné. Placé à la veille de la seule grande étape des Alpes, avec une arrivée à quelque 40 kilomètres, il est plus favorable à des baroudeurs partis de loin qu’à une bataille entre les favoris. Ceux-ci savent ce qui les attend le lendemain entre Albertville et La Toussuire sur les pentes des cols de la Madeleine, de la Croix de Fer, du Mollard et dans l’ascension vers la station savoyarde où personne n’a oublié la défaillance de l’Américain Landis en 2006 !
Mais maintenant ? A la moyenne montagne succède la haute montagne. La fatigue de la deuxième semaine n’est pas non plus à sous-estimer. A défaut d’avoir pu mettre en difficulté Wiggins et les siens dans les ascensions, Evans, Nibali, Vandenbroeck et compagnie ne sauraient-ils le faire dans les descentes ? En amenant l’adversaire à la faute ? En l’isolant de ses équipiers et en profitant d’un relief où l’absence de plat en fond de vallées est favorable aux attaquants ?
Après dix jours de course, avec une hiérarchie déjà bien dessinée, on entre dans le jeu des intérêts communs et des alliances. Evans-Nibali contre Wiggins-Froome ? Sans oublier le remuant Belge Vandenbroeck et la force collective des Radioshack (Zubeldia, Klöden, Fränk Schleck, Montfort et surtout l’étonnant Tony Gallopin). Tous les cas de figure sont à envisager désormais, toutes les situations à exploiter pour espérer trouver la faille dans le système défensif des Sky qui, malgré leur démonstration d’efficacité, ne sont pas à l’abri d’un jour « sans » ou d’une erreur de stratégie au lendemain d’un jour de repos qui peut réserver quelques (mauvaises) surprises.
L’espoir fait vivre…
Bertrand Duboux
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