Par Jean-Paul Brouchon
Formé à la rude école de la formation Banesto, celle qui propulsa à cinq reprises Miguel Indurain sur la plus haute marche du podium du Tour de France, le russe Denis Menchov ajoute une ligne supplémentaire à son palmarès. Il remporte le Tour d’Italie en démontrant une sérénité digne des plus grands éloges. Jamais il ne s’est départi de son calme qui n’est pas sans ressembler à celui affiché jadis par Indurain. Dès sa prise du maillot de leader après une difficile étape contre la montre, Menchov n’a eu de cesse de calquer sa course sur celle de son plus dangereux rival l’italien Danilo Di Luca. Même dans la dernière étape, disputée contre la montre dans les rues de Rome, Menchov a montré une grande maîtrise.
La chaussée est humide en raison de pluies récentes qui continuent d’ailleurs de tomber toutefois avec parcimonie. Le parcours est donc dangereux. La chute est toujours possible, la crevaison aussi. Pourtant Menchov écrase les pédales, au contraire de la plupart des concurrents, qui, tel Lance Armstrong, termine ce Giro en roue libre. Menchov est en tête au point de chronométrage intermédiaire. Il peut envisager la victoire d’étape et le succès final. L’imprévisible se produit à 800m de la ligne d’arrivée sur une ligne droite recouverte de pavés humides. Alors qu’il a déjoué tous les pièges du parcours, la roue avant de sa machine se dérobe. Menchov tombe puis glisse sur le sol ...
Il se relève aussitôt, veut reprendre sa machine, mais son mécanicien, très prompt à réagir, lui tend un autre vélo identique à celui qu’il utilise. Il le saisit, se met en place et repart avec une ardeur encore décuplée. Menchov franchit la ligne, descend aussitôt de machine, serre dans ses bras l’un des siens et crie avec force. Il crie de rage, de peur rétrospective sans doute, de joie d’avoir vaincu jusqu’au dernier moment une fatalité qui aurait très bien pu lui être néfaste, les poings dressés vers le ciel. Jamais encore Menchov depuis le départ de ce Giro n’avait exprimé ainsi ses sentiments profonds.
Denis Menchov est donc le troisième russe après Evgueni Berzin, en 1994, et Pavel Tonkov, en 1996, à inscrire le Giro à son palmarès. Il devance finalement Di Luca de 41 secondes et Pellizotti d’1.59. Lance Armstrong est 12ème° à 15.59.
La formation Astana remporte le classement par équipes mais Leivi Leipheimer a déçu, lui qui était considéré comme un vainqueur possible. Quant à Lance Armstrong, il est allé en s’améliorant de jour en jour. Les doutes sur sa participation au prochain Tour de France sont levés. Reste à savoir quel sera son comportement au cours de cette épreuve et surtout quelle sera son attitude vis à vis d’ Alberto Contador qui, dans le calme et la rigueur, se prépare à l’échéance de juillet.
Enfin il n’est pas certain que Menchov accorde une revanche à certains de ses adversaires sur les routes du Tour car il se murmure que le russe préfèrerait se reposer un long moment et tenter le doublé Giro-Vuelta qui prendra le départ le 29 août de Drente en Hollande.
Jean-Paul Brouchon
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