Pour un sportif, toute victoire est bonne à prendre, que ce soit dans une course de préparation ou une épreuve de haut niveau. Il a suffi de voir la joie et la satisfaction de Cadel Evans à Saint-Vallier sur le Critérium du Dauphiné pour s’en convaincre définitivement. On ne dira jamais assez l’effet bénéfique que produit sur le moral le fait de franchir une ligne d’arrivée en vainqueur. Que ce soit à vélo, en canoë, à moto, à skis ou à pieds.
Le sportif de compétition est motivé par la perspective du succès et, pour lui, il n’y a pas de petite victoire. Gagner, c’est se montrer meilleur que les autres, que ce soit par supériorité physique ou opportunisme. C’est un aboutissement. Et le visage radieux d’Evans exprimait parfaitement ce sentiment de jouissance qu’on ressent après l’exploit. A 35 ans, le champion australien, sympathique, jovial quand il n’a pas de stress, nous fait penser à un junior qui croque la vie à pleines dents. Pour lui, le sport cycliste n’est pas seulement un business, avec toute la pression qui s’y rattache à l’approche du Tour, mais encore et toujours un jeu et une façon de se faire plaisir lorsqu’on a les qualités pour. Et c’est bien cela qui nous réjouit.
Trop souvent, hélas, le sport de haut niveau n’engendre désormais que des champions à la Buster Keaton, fermés et impénétrables, sans rien à exprimer, ni joie ni déception, pédalant comme des automates et fuyant les contacts en se réfugiant dans leur Pullman avant le départ ou après l’arrivée.
Que le vélo est triste devenu ! Ce ne sont pas les anciens (il n’en reste plus beaucoup !) qui nous diront le contraire. Ils se souviennent encore des facéties de l’Alsacien Hassenforder dans les années 50, plus tard de celles du regretté Tom Simpson, du Hollandais Karstens ou de Jean-Pierre Danguillaume. Dans les années 80-90, on rigolait avec les Kelly, Roche, Barteau, Leclercq, Tinazzi, Pascal Richard et Jacky Durand. Le peloton était une grande famille. Chacun y allait de ses petites farces en attendant l’explication finale.
Et aujourd’hui ? Des employés de bureau ou des fonctionnaires, comme la société et le monde du travail en produisent de plus en plus, à quelques exceptions près ! Sérieux et appliqués, concentrés sur leur job pour être les plus rentables possible et satisfaire le manager. Le seul qui roule avec le sourire, parfois en plaisantant, c’est Cadel Evans, ancien champion du monde et vainqueur du Tour 2011. Ce qui prouve bien qu’il y a encore place pour la rigolade tout en faisant le métier sérieusement. Sa carrière en est l’illustration parfaite. Et rien que pour çà, il faut lui dire merci.
Bertrand Duboux
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